Le sentiment d’abandon de Laurence est extrait de  la blessure d’abandon de Daniel Dufour

 

 

 

 

Laurence est célibataire et travaille dans la publicité. Elle passe tout son temps libre à organiser des week-ends pour ses copains et copines  et se surinvestie pour que tous soient heureux et satisfaits. Mais à la fin de ces moments passés en groupe elle se sent triste car elle ne supporte pas les départs et les séparations. Souvent elle explose de colère reprochant à ses amis de ne pas être reconnaissant de tout le travail qu’elle fait pour eux et de ne pas toujours penser à elle lorsqu’ils organisent un dîner ou une autre activité de leur côté.

 

Elle désire être au courant de tout ce qui se passe dans la  vie de chacun et réagit très fortement lorsque quelque chose lui est caché. Elle se culpabilise ensuite de son habitude, mais ne supporte pas d’être tenue à l’écart. Elle me dit  avec ses propres mots : « Toute chose qui ne m’est pas dite est pour moi synonyme de mépris de ma personne, et me fait très mal. Je me sens alors salie et abandonnée par l’autre.

 

Je lui pose la question : « Comment réagissez-vous si cela se produit ?  Elle me répond : « Soit je ne vois plus la personne parce que je pense qu’elle a dû agir ainsi pour me nuire, soit je lui demande une explication, et si celle-ci ma paraît valable, je poursuis la relation. Laurence dit qu’elle a toujours été comme cela: A l’écoute des autres afin que ceux-ci se sentent bien en sa compagnie. Aussi loin qu’elle se souvienne elle agit de la sorte, notamment envers son père, un militaire de carrière qui ne vivait que très rarement avec le siens.

 

Elle faisait alors en sorte que la maison soit parfaite pour son retour, et mettait un point d’honneur à ce qu’il n’y ait pas de problème entre son père et sa mère ainsi qu’entre son père et ses deux frères. Elle était la plus malheureuse des filles si son père ne passait pas de bons moments chez lui, ce qui se révélait malheureusement être souvent le cas. Elle se rappelle aussi les moments qui entouraient les départs de son père, elle dit avoir alors ressenti une « véritable déchirure ». Elle reconnait du reste que c’est depuis ces moments qu’elle ne supporte plus les départs et les au-revoir.

 

 

La peur de l’abandon

Laurence agit de la même façon à l’agence de publicité dans laquelle elle travaille; elle fait tout son possible afin que les autres se sentent bien, à commencer par son patron pour qu’il éprouve une grande admiration. Elle fait des heures supplémentaires, le plus souvent non rémunérées. « J’agis ainsi parce que je souhaite que l’harmonie règne sur mon lieu de travail autant que dans ma vie privée », explique-t-elle.

Laurence se retrouve pourtant régulièrement en butte à des vexations et à des attitudes de rejet qui la blessent. Il lui arrive alors de s’isoler, de ne plus vouloir rencontrer qui que ce soit. Dans ce moment-là elle est obligée de constater que très peu d’amis lui font signe et que ces connaissances l’ignorent tout simplement. « Que ressentez-vous quand cela arrive? » « Une immense tristesse, mais comme je ne suis pas une personne qui se laisse abattre par l’adversité, je me reprends et je vais de l’avant. » « Que faites-vous de votre tristesse? »  » Je pleure, ce qui me fait du bien même si cela ne m’empêche pas d’être tendue et, surtout, même si cela ne résout en rien le problème! «

 

 

S’aimer soi-même

Cet exemple est celui d’une personne prête à tout afin de satisfaire l’autre et les autres. A un point tel qu’elle en arrive à ne pas se respecter elle-même, à être incapable de dire non, à accepter des humiliations et des vexations de toutes sortes. Cette attitude qui consiste à se mettre entièrement à la disposition de l’autre est motivée par une peur panique de ne pas être apprécié et aimé. Elle est excessivement répandue. Que se passe-t-il dans la tête de la personne? Si elle dit non à l’autre ou n’agit pas selon ce que l’autre lui demande, celui-ci sera mécontent et risquera fort de lui en vouloir.   Tôt ou tard suivra la « punition » que l‘abandonnique craint le plus: être rejeté, délaissé.

 

 

Le syndrome d’abandon

L’idée lui en est tellement insupportable et douloureuse que l’abandonnique préfère aller contre lui-même, ne pas se respecter et se faire le plus petit possible. Mieux vaut rester dans une relation, quitte à ce qu’elle ne soit pas très gratifiante, plutôt que de se retrouver seul, se dit-il. Il met alors en place toute une série de comportements sociaux qui font de lui « une bonne pâte », une personne « facile à vivre » « merveilleuse », car entièrement dévouée aux autres. En fait l’abandonnique ne supporte pas que l’on ne s’entende pas et que l’on se dispute autour de lui. Il se plaint bien, par moments, de ne pas être respecté, mais il revient très vite sur sa plainte. Il préfère  « choisir » de souffrir plutôt que de faire souffrir l’autre ou les autres, en espérant que sa façon d’être lui apportera en retour la considération, les respect et l’amour de ceux qui l’entourent. Bien évidemment, son attitude ne lui apporte que la plupart du temps que de la condescendance, de l’irrespect et l’indifférence, ce qui renforce le cercle vicieux dans lequel l‘abandonnique évolue.

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