Papa,

Je ne te remercie pas pour l’enfance que tu m’as donné ou plutôt que tu ne m’as pas donné. Tu t’es occupé de moi, donné beaucoup d’amour quand je suis née. J’ai un souvenir où je m’endors dans tes bras, alors que je suis toute petite.  Et quand ma petite sœur est arrivée, tu m’as remplacé par elle. Tu as eu un autre doudou, tout comme maman.

 

Je ne t’intéressais plus. J’ai peu de souvenirs avec toi après mes 3 ans, car à partir ce moment là, j’étais devenu transparente, invisible à tes yeux. Je n’ai plus jamais eu droit à un câlin, un mot gentil, un geste d’affection ou de tendresse de ta part ! C’est fou, je vivais à côté de toi et je n’existais plus à tes yeux.

 

Parfois, quand tu rentrais du travail et là, maman ou Mylène ou ta mère te faisaient un rapport et puis toi, tu allais distribuer des claques, sans discussion. Une fois, tous les 5, on s’est mis à la queue leu leu, pour recevoir des coups de ceinture de ta part. Tu nous faisais peur avec ta ceinture militaire ou encore avec un fouet de queue de bœuf séché. Tu étais le complice de ces sorcières du mal. On que des objets pour vous. C’est affreux, non ? Comment peut-on faire des enfants et les maltraiter de la sorte ? Qu’est ce que je t’ai fais ?

 

Tu as toujours été absent dans ma vie alors que tu étais là, dans la maison, à côté de moi. Pourquoi je ne méritais pas un regard, un peu d’affection de ta part ? Je n’étais pas assez bien pour toi. Comment un père peut-il ignorer la présence de ces propres enfants ? Comment pouvais-tu être aussi fermé envers nous, envers moi ? Qu’est ce que je t’ai fais ? Pendant des années je ne me suis pas sentie aimé de toi, bien au contraire, je ressentais ton mépris, ton rejet, me jugeant être indigne d’être là, sous tes yeux, comme indigne d’exister !

 

Comment un enfant peut-il se construire avec un père pareil ? Tu m’as détruit plus qu’autre chose et je t’en veux pour ça. Je n’étais qu’une enfant, apeurée, seule, toujours sur le qui-vive, jamais en sécurité physique et affective, tu ne m’as jamais protégé du monde extérieur, ni de l’intérieur. A cause de toi, j’ai grandi dans la peur, la peur d’exister, peur de dire, peur de faire, dans honte d’être moi, me rejetant moi-même comme tu m’as rejeté. Comment faut-il être dans sa tête pour se comporter comme ça avec ses enfants ?

 

J’ai vécu un enfer auprès de toi, tu m’as détruite, cassé mon désir de vivre, j’avais l’impression d’être qu’une merde à tes yeux et tu ne faisais rien pour changer quoi que se soit. Je n’ai jamais compté pour toi, j’avais peur de toi, voilà le sentiment que j’éprouvais pour mon père. Tu ne t’es jamais investi, ou soucié de moi, je travaillais bien à l’école, tu t’en foutais, j’allais à la messe, tu t’en foutais, je sortais, tu t’en foutais. Tu t’en foutais de tout ce qui me concernait, sauf pour taper ou pour montrer ton autorité.

 

Des enfants qui vivent dans la peur du père, c’est une bonne chose chez toi ? Pas chez moi. Je te déteste pour le mal que tu m’as fait, pour tout ce que tu ne m’as pas donné parce que je n’étais pas assez bien surement, à tes yeux je n’étais qu’une chose. A cause de toi, je me suis cachée de moi-même, cachée mes qualités, mes potentiels, ma joie, je me suis détestée, je me suis rejetée comme tu as fais avec moi. Je t’en veux de m’avoir fais croire des choses moches sur moi-même, alors que je n’étais qu’une enfant sans défense. Tu m’as abandonné quand tu m’as remplacé, tu m’as laissé toute seule pour survivre dans cet univers d’insécurité et je porte encore les traces aujourd’hui.

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